UN COMPOSITEUR POLYVALENT, PROLIFIQUE ET POPULAIRE

François Cousineau est né à Montréal en 1942. Deuxième d’une famille de cinq enfants (dont Jean et Luc Cousineau, également musiciens), il commence l’étude du piano à cinq ans. Après avoir obtenu son diplôme de musique à l’École de musique Vincent d’Indy en 1961, il est reçu membre du Barreau du Québec en 1966.

C’est dans les années 60 que débute sa carrière musicale. D’abord pianiste-accompagnateur puis arrangeur, orchestrateur et chef d’orchestre, François apporte un nouveau souffle au monde des chansonniers comme Jacques Blanchet, Pauline Julien, George Dor ou Monique Leyrac, en donnant aux oeuvres un rythme plus marqué et des orchestrations étoffées inspirées du jazz et du rock américains et anglais. 

François réalise rapidement son rêve de devenir compositeur. Il compose sa première chanson sur un texte de Clémence Desrochers, La Robe de soie. Puis, Pauline Julien l’engage comme pianiste-accompagnateur pendant sept ans. Il compose pour elle les chansons Le Temps des vivants, Le Voyage à Miami et Un gars pour moi, entre autres. De 1962 à 1969, il la suit en tournée au Québec, en France, en Pologne, en feue URSS et à Cuba, au Primera Festival de la Cancion Popular. Durant ces mêmes années, François participe deux fois au Festival de la chanson de Sopot en Pologne, où les interprètes qu’il soutenait, Pauline Julien en 1964 et Donald Lautrec en 1967, se sont chacun mérité un prix. 

Au théâtre, François conçoit en 1966 la musique des pièces Pauvre amour et Les Beaux dimanches de Marcel Dubé. En 1969, il compose la musique de Les Girls, première revue féministe de Clémence Desrochers qui marque profondément l’histoire du spectacle québécois en ébranlant la vision traditionnelle du rôle des femmes dans la société. Il crée par la suite deux comédies musicales qui deviendront des succès retentissants au Théâtre de la Marjolaine, premier théâtre à produire des comédies musicales francophones d’origine canadienne: Crackpot (1970) et Mascarade (1971) avec Louis-Georges Carrier. 

À la télévision, à titre de chef d’orchestre, pianiste et arrangeur, il donne un son original à des programmes populaires comme Jeunesse oblige (1967) et Zoom (de 1968 à 1970). Par la suite, il s’illustre particulièrement aux côtés de Lise Payette dans Appelez-moi Lise de 1972 à 1975, le célèbre talk-show de fin de soirée, après avoir déjà travaillé avec elle à la radio dans Place aux femmes (1968 à 1970), premier magazine féministe au Québec, et Studio 11 (1971).

Au cinéma, il compose la trame sonore de plusieurs documentaires, ainsi que d’une  dizaine de longs métrages, dont L’Amour humain (Denis Héroux, 1970) et Les pièges de la mer (Jacques-Yves Cousteau, 1982). Mais c’est la chanson thème du film L’Initiation (Denis Héroux, 1970) qui marquera le plus le public: Un jour il viendra mon amour, chantée par Diane Dufresne, se vendra à plus de 100 000 exemplaires. Le 33 tours François Cousineau, Les plus célèbres musiques de films du Québec paraît dès 1973, faisant foi de l’importance de la contribution de François au septième art québécois. 

Peu après le succès de Un jour il viendra mon amour, François Cousineau et Diane Dufresne rencontrent Luc Plamondon. Ils créent ensemble le premier opus de la chanteuse, Tiens-toé ben, j’arrive !, qui reste pendant plus de six semaines au sommet des ventes d’albums au Québec, en plus de remporter un vif succès dans l’Hexagone et dans la Francophonie avec des chansons comme J’ai rencontré l’homme de ma vie. Durant plusieurs années, le “trio infernal” Cousineau-Dufresne-Plamondon transforme le paysage de la chanson québécoise des années 1970 avec plusieurs dizaines de chansons, dont certaines sont désormais devenues des classiques: En écoutant Elton John, Sur la même longueur d’ondes, Mon p’tit boogie boogie, Les hauts et les bas d’une hôtesse de l’air et Chanson pour Elvis, pour ne nommer que celles-là. 

En plus de sa collaboration avec Dufresne, François Cousineau a composé plus de 200 chansons pour différents artistes tels que Robert Charlebois, Renée Claude, Céline Dion, Georges Dor, Yvon Deschamps, Jean-Pierre Ferland, Daniel Lavoie, Ginette Reno, Martine Saint-Clair, et Fabienne Thibeault. Cette dernière sera d’ailleurs la première interprète de Ma mère chantait toujours, une chanson du duo Cousineau-Plamondon devenue culte au Québec et en France.

À titre de compositeur, François Cousineau s’est mérité 11 fois le prix “Les Classiques de la SOCAN” pour 25 000 exécutions radiophoniques au Québec d’une chanson.

François Cousineau a également accompagné plusieurs artistes sur scène à titre de pianiste, de chef d’orchestre et d’arrangeur, parmi lesquels Claude Dubois, (deux tournées au Québec, 1982 à 1984), George Dor (tournées au Québec, de 1966 à 1972), Jean-Pierre Ferland (deux tournées au Québec, 1992 à 1994), Claude Gauthier (tournée au Québec, 1966-1967), sans oublier Diane Dufresne (quatre tournées au Québec et en France, 1972 à 1977).

En 2000, Sylvain Cormier écrivait:

Au dernier gala de la SOCAN, Georges Dor montait sur le podium : « Si je suis là aujourd’hui, a-t-il expliqué, ému, c’est grâce à François Cousineau. » Intronisé au Panthéon des Classiques pour sa chanson La Manic, le poète semblait investi d’une mission: révéler à l’assemblée de ses pairs tout ce que l’immortelle chanson devait à son arrangeur. « Il a fait de mon ébauche un succès. C’était son idée, le fameux pom-po-po-po-pom de l’intro. Il a encadré toute la chanson. Et je l’en remercie.» 

Si on alignait tous ceux qui doivent un ou mille mercis à François Cousineau, ça ferait une sacrée parade. De 1962 à aujourd’hui, il a œuvré presque sans relâche au service de nos chanteurs et chanteuses, voire de toute l’industrie du disque et du spectacle.

 Sylvain Cormier, “Place à François Cousineau, artiste solo, Paroles et Musique (SOCAN) janvier-février 2000

Pour souligner son apport à la vie culturelle québécoise, François Cousineau s’est vu décerner en 2003 le Prix National Francophone au gala de la SOCAN pour l’ensemble de son œuvre. Cette même année, il a aussi été honoré par la Faculté de Droit de l’Université de Montréal pour s’être distingué dans le domaine de la culture, puis en 2011, il est nommé Chevalier de l’Ordre National du Québec. Le Prix François-Cousineau est remis annuellement depuis 2006 par la Fondation SPACQ à un compositeur de musique de chansons.

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE 

En 1978, Maxime LeForestier engage François Cousineau comme réalisateur et arrangeur pour son album No 5, et comme chef d’orchestre pour ses spectacles à l’Olympia de Paris et au Festival d’été de Québec, entre autres. Il coréalise également Fais ta vie !, le dernier album de Charles Trenet, en 1995.

En 1979, il compose la musique de l’émission Prévert, rose ou bleu ?, réalisée par James Dormeyer à l’occasion de l’Année internationale de l’enfance. L’oeuvre se mérite une distinction au Modern Language Film Festival de New York en 1981, une mention d’honneur au American Film Festival de Washington en 1982 et une nomination aux prix Clio à New York. 

Plus tard, il agit à titre de directeur musical et chef d’orchestre pour deux épisodes de la prestigieuse émission française Champs Élysées (1980), pour lesquels il obtient une nomination aux prix Gémeaux. 

L’année suivante, à l’occasion de la visite du Président Reagan à Québec lors du Sommet Shamrock, le Premier Ministre Mulroney l’invite à diriger le grand orchestre du spectacle gala télédiffusé dans tout le pays sur les réseaux anglais et français de Radio-Canada.

Finalement, en 1984, la chanson Ohé Ohé qu’il compose sur un texte de Paulette Arsenault fut en nomination dans la catégorie « Chanson de l’année » au Gala de l’ADISQ, et nommée au Clio Awards de New York pour « Best original music with lyrics ». Composée à l’origine pour une publicité télévisuelle des célébrations du 450e anniversaire de la venue de Jacques Cartier au Canada, la chanson a été réenregistrée sur 45-tours à la demande du public et s’est vendue à soixante-mille exemplaires. 

À LA DÉFENSE DU DROIT D’AUTEUR

François Cousineau est également un fervent défenseur du droit d’auteur au Canada, et a largement contribué à sa défense et à son développement au fil des ans. Il est en effet un membre fondateur de la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) en 1981, et le président fondateur de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) en 1985. Il agit aussi à titre de président de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) de 1994 à 1996, en plus de siéger à titre de directeur des conseils d’administration pendant plus de vingt ans à la SOCAN et la SODRAC.

FRANÇOIS COUSINEAU, L’ARTISTE SOLO

François Cousineau s’est également illustré dans le domaine de la musique instrumentale dès 1979. Il fait salle comble une semaine durant à la salle l’Imprévu de l’hôtel Iroquois à Montréal avec son premier spectacle instrumental en 1979. Il assure aussi la première partie de Maxime LeForestier à l’Olympia de Paris avec ce même spectacle. 

En 1999, il compose, réalise et produit un premier album éponyme de musique pour piano et orchestre. Avec un son bien à lui et des mélodies poignantes, il fait ses premiers pas comme artiste solo. Cet album reçoit le prix Félix pour l’album de musique instrumentale de l’année au gala de l’ADISQ en 2000. Cette même année, François Cousineau récidive avec Veux-tu que j’t’aime ?, un deuxième album, toujours pour piano et orchestre. En 2003, il présente un troisième album intitulé Clin d’œil à des amis, qui comprend à la fois des pièces instrumentales et des chansons, et dans lequel on découvre sa voix. Entre 2000 et 2004, une grande série de concerts l’amène avec ses musiciens dans plus de soixante villes du Québec. Deux compilations numériques de ses oeuvres instrumentales, Odyssée et Nuits blanches, paraissent en 2022, juste avant Mémoires, son premier album de piano solo.  

La force de François comme artiste réside dans sa polyvalence. Elle lui permet de créer en toutes circonstances une musique originale, savant mélange de musiques jazz et pop américaines et de chanson française, enrichie d’influences du monde: salsa cubaine, samba brésilienne, reel québécois, tango argentin, musique classique et sonorités slaves… 

Cependant, bien que la musique de François soit complexe et recherchée, sa grande force réside dans son accessibilité. Grand mélodiste rappelant les romantiques du 19e siècle, François met toujours ses expérimentations orchestrales ou harmoniques au service de la mélodie. 

Tout le monde peut « chanter » du Cousineau — même ses pièces instrumentales, même ses trames sonores — grâce aux mélodies parfois simples, parfois ciselées, mais toujours identifiables. Sa musique reste en tête, émeut, peu importe le degré d’érudition musicale de l’auditeur. Et c’est un choix délibéré:

« J’aime qu’on aime ma musique. Qu’on la qualifie de populaire n’a rien pour moi de péjoratif. C’est un compliment. L’accessibilité n’est nullement incompatible avec la beauté. » — François Cousineau

Cette qualité de mélodiste a ainsi contribué au rayonnement de son œuvre vers un large public, qui le chante encore aujourd’hui, parfois même en berceuse à ses enfants.